samedi 7 janvier 2017

Quand Pompon se fait vieux



La base du problème, un peu d'histoire

La SPA française a été créée avant tout, et dans des temps assez reculés, pour venir en aide aux chevaux de travail qui s'écroulaient de fatigue et de vieillesse entre les brancards. Ils ont milité pour les boucheries chevalines afin que les chevaux de travail ne soient pas épuisés à la tâche jusqu'au bout.

M'enfin 'NON UN CHEVAL CA NE SE MANGE PAS', qui n'a pas repris ce slogan, collé l'autocollant sur sa voiture ou partagé sur sa page FB 'le cheval est mon ami et je ne mange pas mes amis' et pourtant ... pourtant la viande de cheval représente 0,4% de la consommation carnée en général, autrement dit rien du tout, en tout cas pas de quoi en faire de telles campagnes.
Le cheval partage avec le lapin ce statut battard d'animal de compagnie et de consommation. Il porte en lui, contrairement au lapin, tout une fantasmagorie de puissance, de force maitrisée et de noblesse. Même les gens qui n'ont jamais fréquenté un cheval de près sont sensible au sort de ces pauvres malheureux envoyés à la boucherie en ignorant tout des frais et de l'infrastructure nécessaire pour l'entretien d'un cheval au quotidien.

J'ai connu le temps de la 'Place de la Duchesse'. Une place en plein centre d'un quartier déshérité de Bruxelles, pavée et traversée par le tram. Tous les vendredis matins une centaine de chevaux y étais amenés, tous les invendus et invendables des marchands y étaient soit échangés soit vendus à la boucherie, même les chevaux réformés de la gendarmerie y étaient vendus (pour très cher) à la boucherie.
J'ai vu dans cet endroit des chevaux blessés, qui 'pissaient le sang', des tremblants de fièvre, des gourmeux, des vieux, des gros fourbus, des maigres qui tenaient à peine encore debout. Une vrai cour des miracles. On raconte même qu'un professeur de l'école vétérinaire toute proche y amenait ses élèves pour leur montrer et expliquer les cas extrêmes qu'ils ne verraient nulle part ailleurs.
Et pourtant ce festival des horreurs avait son 'utilité' en débarrassant la terre de ces chevaux devenus déchets et dont personne ne voudrait jamais.

Le marché a déménagé à Anderlecht, dans un espace couvert et quelques reglementations bien démagogiques de "bien être animal". Mais l'idée était toujours la même, le cheval invendable avait toujours une valeur à la boucherie. Et cette idée continue à persister dans la tête des gens qui veulent 'sauver un cheval de la boucherie' comme si c'était l'acte le plus ignoble qu'on pouvait commettre face à la plus noble conquête de l'homme.

En 2009 une règlementation européenne est entrée en vigueur qui a absolument tout changé. Les chevaux devaient être identifiés à l'aide d'une puce (transpondeur électronique reprenant les coordonnées de l'animal) et être inclus dans la chaine alimentaire (càd être médicalement assez sain pour être consommé par les humains et les animaux de compagnie).
On a berné dans les grandes longueurs les propriétaires bien pensants en leur disant que la 'puce' permettrait de retrouver plus facilement un cheval volé ou perdu et surtout on leur a fait croire que le fait d'exclure le cheval de la chaine alimentaire (CA) permettait de protéger celui-ci de cette horreur qu'est l'abattoir et cette légende urbaine persiste. En remettant Pompon, exclu de la CA au marchand auquel on a acheté Black Beauty on se dit qu'il ne peut 'rien lui arriver' puisqu'il ne peut pas aller à l'abattoir.

Coupons la tête aux légendes urbaines concernant la puce

J'en ai lu des conneries sur la toile à ce sujet donc remettons les choses au clair une fois pour toute.

- un cheval exclu de la CA ne peut pas être abattu et consommé dans aucun état de la Communauté Européenne, ni pour les humains, ni pour le pet food (animaux de compagnie) à l'exception des animaux dans les zoo et certains élevages de poissons qui n'offrent des débouchés que hautement anecdotiques. Si un cheval exclu rentre dans un abattoir, il en sort mort de toute façon mais envoyé à l'équarissage avec la perte de sèche de sa valeur en viande pour celui qui l'y a vendu § les frais d'abattage et d'équarissage.
- Pour exclure un cheval de la CA il y a plusieurs moyens:
- Sont d'office exclus :
-les chevaux nés après 2009 et n'ayant pas été identifiés dans l'année de leur naissance ou au plus tard dans les 6 mois après leur naissance (donc le cheval de 5 ans qui n'a pas de puce mais qu'on va 'remettre en ordre' pour l'abattoir et pour lequel on lance un appel de sauvetage à la boucherie c'est une SUPERCHERIE)
-les chevaux munis d'un duplicata de passeport (cachet gros et rouge apposé sur les papiers), peu importe l'année de naissance et le studbook
- les chevaux dont le feuillet médicamenteux a été complété dans le passeport par un vétérinaire qui a administré un produit qui exclut à vie un cheval de la CA (par exemple l'équipalazone que tous les Pompons d'Europe ont au moins avalé une fois dans leur vie, mais ça on ne le dit pas)
- les chevaux munis de plusieurs puces
- les chevaux importés d'un autre pays membre et non dotés de leurs documents d'importation
- le choix du propriétaire d'exclure son cheval par principe éthique (cette option est rendue de plus en plus compliquée car ce choix est irréversible et le naisseur de Pompon n'est généralement pas le même propriétaire quand il sera au bout du rouleau qui pourrait décider de l'envoyer à l'abattoir).

Vous l'aurez compris, les chevaux abattables et consommables sont réduits à une portion congrue et le 'bon' cheval de boucherie en ordre de tout, même vieux et même boiteux vaut beaucoup plus à la boucherie que dans le commerce classique.

Les marchands doivent donc tenter de trouver une solution pour tous les Pompons exclus de CA et invendables dans un circuit classique et qui leur tombent sur les bras (faut bien faire marcher le commerce).
tordons encore le cou à quelques autres légendes urbaines:
- la puce, dans l'encolure du cheval est quasi indestructible donc il est faux de croire qu'il yaka fokon rendre la puce illisible pour en injecter une autre qui sera 'bonne'. Comme on l'a vu un cheval doublement pucé est exclus d'office et un cheval identifié après ses 6 mois est exclu aussi.
- sortir la puce de l'encolure pour en mettre une autre est tout aussi légendaire (même histoire d'identification après 6 mois) car chercher une puce n'est pas si simple que ça, autant chercher une aiguille dans une botte de foin et il faudrait léser le muscle qui soutient l'encolure et donc la tête du cheval qui serait incapable de lever la tête, ça se verrait à des km à la ronde.
- modifier les données contenues dans la puce est tout aussi impossible, l'exclusion n'étant pas repris dans la puce elle même mais bien dans le document d'accompagnement du cheval. La vérification du numéro de puce et du document d'accompagnement est systématique à l'entrée de l'abattoir.

Les seules solutions envisageables pour se débarrasser de Pompon quand on est marchand c'est de connaître quequ'un qui connait quelqu'un etc 'spécialisé dans la télétransportation' (20.000 chevaux ont disparu en Europe, évaporés quelque part dans l'espace spacio-temporel, avalés par un trou noir ou que sais-je) ou l'exportation vers un pays tiers qui n'applique pas les normes européennes. En tout cas son chemin de croix sera encore plus long et plus éprouvant que s'il avait été 'simplement' abattu et mis sous cellophane.

Des solutions pour Pompon

on l'aura compris, ne pas garder Pompon pour des raisons X , Y ou Z sera pour lui lourd de conséquences alors on arrête de croire au Père Noël , on sort du monde des Bisounours et on regarde la réalité en face. Si malgré tout il vous est réellement impossible de garder Pompon pour des raisons qui vous sont propre et incontournables voici comment ça va se passer :

- vous allez d'abord essayer de le vendre, pcq il est si gentil et peut encore faire le tour du bloc au pas un dimanche sur 4. Vous en parlez autour de vous, tout le monde vous répond 'si j'entends quelque chose je te tiens au courant, c'est tellement dommage que tu doives t'en séparer', c'est tellement plus facile que de vous dire la vérité en face. Le temps passe, personne n'entend parler de rien.
- vous allez vouloir le placer dans un refuge, c'est bien les refuges, ils les soignent bien là=bas et puis ils ont plus de temps que vous 'pour s'en occuper comme il le mérite' (bon sang combien de fois je l'ai lue ou entendue cette phrase !). Et puis vous avez donné 5€ au refuge la dernière fois qu'ils ont fait un sauvetage, ils peuvent bien faire quelque chose pour vous. Mais vous avez beau téléphoner, envoyer des mails, appeler au secours la réponse est la même partout: on est complets mais son on entend parler de quelque chose ... l'air vous semble connu et pour cause ...
- vous allez mettre des annonces un peu partout, 'gentil cheval à donner pour cause de manque de temps'. Au début vous allez annoncer qu'il a 17 ans et est naviculaire, par manque de réactions vous passerez ces 'détails' sous silence ne mettant plus l'accent que sur sa gentillesse. Là de deux choses l'une, soit vous restez fidèle à votre éthique en vérifiant si les gens qui vous contactent sont réellement dignes de confiance, soit, en désespoir de cause vous laissez partir Pompon avec le premier qui en veut bien et vous raconte une belle histoire. Soit un ado désargenté qui rêve d'un cheval et s'imagine qu'il va pouvoir trouver un cheval gratuit sur internet qui sera son meilleur ami pcq il n'a pas d'ambitions de compétition et ne veut faire que du 'loisir' (inutile de vous dire que ce candidat est à fuir, il n'a pas les moyens d'entretenir le cheval, il risque de le monter même boiteux pcq 'il boite mais n'a pas mal' et en tout cas finira par s'en débarrasser car il a changé de centre d'intérêt ou s'est tout simplement rendu compte que 'ça n'allait pas le faire'), soit un beau parleur qui vous racontera que Pompon servira juste de compagnie et de tonton pour ses poulains, qu'il a trop d'herbe etc etc ...quand vous demanderez de rendre visite à Pompon on vous annoncera qu'il vient de mourir et qu'on est vraiment triste car il était si gentil ... la télétransportation a encore de beaux jours devant elle.
Bref vous n'arriverez pas à trouver une bonne place pour Pompon et soit vous jetez l'éponge en le laissant partir avec le premier venu en toute connaissance de cause soit vous décidez d'agir en propriétaire responsable et de faire euthanasier Pompon pcq vous n'avez vraiment pas de possibilité pour le garder et pcq sa vie risque d'être un cauchemar si vous vous en défaites.
Et là, dans plus de 90% de cas vous allez vous heurter à un refus catégorique du vétérinaire qui a fait de belles études pour soigner des animaux et non pas pour leur ôter la vie si ce n'est pas pour abréger ses souffrances. A se demander si ces vétos ont un jour mis les pieds chez un marchand de chevaux ... mais l'euthanasie de complaisance est décriée tant par les amis des animaux que par les vétérinaires comme l'a été en des temps révolus l'avortement. Est-ce vraiment tellement anti-éthique d'enlever la vie à un animal qui a un pourcentage de chance proche de zéro d'avoir une belle fin de vie ? Faut=il absolument le maintenir en vie sous prétexte qu'il ne souffre pas (encore) et nier aveuglément les cours des miracles de télétransporteurs. Ils espèrent quoi ? que le propriétaire va se 'reprendre' et garder son cheval jusqu'au bout ? Qu'il y a réellement une solution acceptable pour Pompon ? ou juste protéger leur sensibilité personnelle et fermer les yeux sur la réalité pour s'en protéger ?

Bref je vous souhaite à tous et toutes d'avoir assez de place, de temps et d'argent pour pouvoir garder votre Pompon même si Black Beauty a pris la relève au niveau sportif. Vous aurez trouvé de la compagnie pour Black Beauty en la personne de ce gentil Pompon qui vous a tant donné.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire